Mariage de raison

Depuis des temps mémorables, les familles des individus décidaient ce qui etait convenable ou non pour leurs fils, selon les critères institués par leurs propres parents. Les mariages se fesaient normalement avec des conjoints de son même village, ou de son égal niveau sociale. Mais le monde a évolué dans la grande majorité des nations, et actuellement les fils ont le droit de choisir son conjoint par son propre choix. Par contre, vivre sous une influence au delà de l´occidentale, dans une culture conservatrice et traditionnelle, encombrée de coutumes irréfutables, signifie retourner en arrière dans cette liberté, puisque les parents pérsistent à suivre la tradition d´assurer un "bon mariage". Les parents veulent y avoir une influence intransigeante lors de l´éléction du conjoint de son fils. Mais les filles sont celles qui sortent plus desavantagées, puisque parfois leurs parents les marient lorsqu´elles sont encore des adolescentes, et avec un homme beaucoup plus âgé qu´elles. C´est un modèle de vie sans liberté de choix pour rien faire, même pour choisir la personne avec on va passer le reste de notre vie. Mais ce ne sont pas que les parents ceux qui poussent les mariages de raison, le mariage par convenance social est aussi une façon de se marier avec un homme dont on n´est pas amoureux, mais oui intérésés dans son argent. "La rencontre ne doit rien au hasard (et la psychologie le confirme). L’individu social croit choisir mais obéit en réalité à des déterminations sociologiques qui le poussent à une recherche du même (même milieu, même catégorie, même âge). Il y a donc non seulement réunion, ou plutôt union, mais encore union du même au même."

  Par exemple, pour se conformer au modèle de son milieu, Karine était prête à tout, même à épouser un homme dont elle n'était pas amoureuse.


La volonté d'avancer dans la vie

 

Je n’avais que 27 ans, mais je ne rêvais que d’une chose : me caser avec un garçon de bonne famille, et faire un grand mariage. Un truc impeccable et « socialement correct » qui en mettrait plein la vue à tout le monde. Dans ma perception très conventionnelle des choses, c’était ça, avancer dans la vie. L’amour, les sentiments et tout ce tralala, c’était bon pour les midinettes qui croyaient encore aux contes de fées.

 

Benjamin collait au poil à mon schéma, et remplissait à merveille toutes les cases de l’homme parfait. Il travaillait dans la finance, était bien élevé, et il avait l’air assez doux et attentionné pour être un bon père. Pourtant, il y avait, déjà, des choses chez lui qui me chiffonnaient : je ne le trouvais pas du tout viril, malgré ses beaux traits et son 1,85 m. Et puis, c’est moi qui décidais tout le temps de tout, de notre planning, de nos dîners, de nos week-ends.

 

Lui, il se contentait de dire amen et de me suivre partout. Mais, comme il faisait vraiment l’unanimité dans ma bande de copains (il faisait rire les filles et suscitait l’admiration des hommes avec ses bonus de fin d’année à cinq zéros), je me suis laissé porter. En plus, maman l’adorait. J’avais besoin qu’il soit adoubé par mon entourage pour sortir avec lui.

Les prémices d'un échec

 

Très vite, il a voulu vivre avec moi. Qu’est-ce que ça changeait après tout, puisque, depuis le début, il était constamment fourré à la maison ? Dès qu’il s’est installé, je suis devenue odieuse. Je n’avais plus aucune patience et passais mon temps à hurler pour des histoires débiles de ménage et de rangement.

 

Tout ce qu’il faisait m’énervait : quand il se trompait dans les paroles d’une chanson, quand il se tenait mal à table ou quand il faisait des blagues qui tombaient à plat…Je me faisais horreur dans ce rôle de mégère tatillonne, focalisant sur des détails, mais c’était plus fort que moi. Je me sentais envahie. Lui, il restait toujours d’un calme olympien, laissant passer les orages, se blottissant contre moi en me répétant qu’il m’aimait.

 

Et ça marchait, parce que, après une bonne crise de larmes, je finissais toujours par me raisonner, me persuadant que j’avais une chance folle d’être aimée comme ça. « Il a vraiment du courage pour supporter une cinglée comme moi », voilà ce que je me disais. Au fond, je savais bien que je me racontais des histoires, parce que, la seule fois où je lui ai dit que je l’aimais, je me suis entendue lui mentir.

Un effort d'auto-persuasion

 

Un soir, en rentrant d’un dîner, il m’a confié : « J’aurais aimé m’acheter une nouvelle moto. Mais, finalement, je préférerais t’offrir une belle bague. » Moi : « Ah bon ? Mais ça veut dire que tu me demandes en mariage ? » « Oui, heu…c’est ça. » J’ai dit O.K. Ça faisait un an qu’on était ensemble, et il était si gentil. On avait tout pour être heureux, j’allais bien finir par l’aimer !

 

Je suis quand même allée voir toutes sortes de sorcières, marabouts, voyants ou psys pour essayer de me rassurer. A chaque fois que l’un d’eux me disait « mais enfin, vous ne l’aimez pas cet homme, il est encore temps de partir », je ne reprenais pas de rendez-vous. Je n’étais pas encore prête à tout envoyer balader, et je voulais être confortée dans mon choix, si erroné fût-il.

 

Certes, Benjamin ne me plaisait pas spécialement, mais tous les petits copains de mes amies ne me faisaient pas envie non plus. J’étais persuadée qu’elles vivraient tôt ou tard la même galère que moi, et que l’essentiel était de pouvoir donner le change avec un type respectable. C’est ce que je faisais, mais qu’est-ce que c’était dur !

Trop tard pour s'arrêter

 

Cette perspective du mariage m’a donné un nouveau souffle. J’y suis allée à fond : annonce à la famille dans les formes, allers-retours place Vendôme pour l’achat du gros caillou, recherche d’un somptueux château pour la fête et rendez-vous chez les couturiers pour la robe-meringue.

 

J’étais embringuée dans une organisation qui m’occupait l’esprit et m’évitait de me poser trop de questions. Plusieurs fois, j’ai quand même failli en parler à maman, lui dire que je n’étais pas sûre, que j’allais tout annuler. Mais je repensais aux acomptes versés, à sa probable déception, et je me ravisais. Vous avez déjà essayé de sauter d’un train en marche, vous ? Moi, je n’ai pas pu.

 

Sous la couette, c’était évidemment un fiasco. On faisait l’amour une fois tous les deux mois maximum, de façon mécanique, maladroite. Quand il me caressait la nuque, ça me tirait les cheveux, quand il me touchait les seins, je ne sentais que ses ongles tout rongés, qui me faisaient horreur.

L'obstination dans le mensonge

 

Le jour J est arrivé. Tout le monde me disait que j’étais sublime dans ma robe haute couture, mais, moi, je me sentais déguisée, j’avais l’impression d’être une menteuse et d’assister au mariage d’une autre. On est partis en voyage de noces à Zanzibar. C’était encore plus déprimant d’être aussi mal dans ce cadre idyllique.

 

   J’ai fini par lui cracher le morceau et je lui ai dit que je ne l’aimais pas, que je n’y arriverais pas, et que j’étais malheureuse    avec lui. On a passé dix jours à pleurer, chacun à un bout du lit. En revenant à Paris, je l’ai quitté. Je suis partie un mois chez mes parents. Mais il m’a un peu manqué et, par faiblesse probablement, je suis revenue. Pour essayer d’oublier mes états d’âme, je me suis fixé un nouvel objectif : faire un enfant.  

 

J’en rêvais depuis des années. Il faut croire que nous étions tous les deux hyper fertiles, puisque dès le premier essai j’étais enceinte. Tout au long de la grossesse, j’ai encore prié le ciel pour tomber amoureuse de lui. Mais, évidemment, ça n’a pas marché et, le jour de l’accouchement, je ne souhaitais qu’une chose : qu’il me laisse seule avec mon bébé. Moi qui rêvais de construire une « famille Cyrillus », heureuse et unie, c’était raté.

Un constat douloureux

 

Et puis un jour, j’ai eu un déclic. C’était au mariage d’amis, Sam et Caroline. J’étais assise au fond de la salle, et je les observais, dansant langoureusement au milieu de la piste sans se détacher du regard, tout ruisselants d’amour. Ils s’adoraient, eux, ça crevait les yeux. J’aurais donné n’importe quoi pour être à leur place.

 

C’est là que j’ai réalisé que j’étais trop jeune pour avoir le coeur et l’entrecuisse aussi arides. Il fallait que je sauve ma peau, sinon j’allais certainement finir à Sainte-Anne. Je n’avais pas 30 ans, et j’avais la vie devant moi pour apprendre à aimer. J’ai passé des nuits à regarder le plafond, l’estomac en compote.

 

Je culpabilisais tellement du mal que j’allais faire à Benjamin. Il n’avait rien demandé lui, il m’avait supportée tout ce temps, sans jamais s’agacer. Mais ce n’était pas la peine d’ergoter : je n’y arriverais jamais. L’amour, ça ne se commande – malheureusement – pas.

Toujours voir le bon côté des choses

Un matin, j’ai pris mon petit garçon sous le bras, et je suis partie, en sachant bien que la terre entière me le reprocherait. Même si ces premiers mois de célibat ont été durs, cette séparation m’a fait un bien infini. J’ai, enfin, mieux compris ce que je voulais, ce que j’attendais de l’autre, ce que je refusais aussi.
 

Je me suis affranchie des conventions sociales. Je me sens tellement plus libre, maintenant. L’année dernière, j’ai rencontré Carlos, un sublime Espagnol un peu plus jeune que moi. Avec lui, je me sens belle, je me sens femme, je me sens vivre.

 

On vit chacun chez soi, il a ses projets, et moi les miens. On ne tire pas de plans sur la comète, on verra bien ce que ça donnera. Il va, d’ailleurs, peut-être repartir dans son pays. Mais, avec lui, j’ai au moins appris une chose : maintenant, je sais que je suis capable d’aimer."

 

Révue on line ELLE "A 27 ANS, J'AI FAIT UN MARIAGE DE RAISON" Créé le 18/06/2009 à 13h15  Propos recueillis par Marion Kressmann https://www.elle.fr/Love-Sexe/Mon-mec-et-moi/Articles/A-27-ans-j-ai-fait-un-mariage-de-raison-908380

Bozon Michel, Apparence physique et choix du conjoint, in Louis Roussel et Thérèse Hibert (dir.), La nuptialité: évolution récente en France et dans les pays développés, Paris, PUF, 1991, pp. 91-110.